La tête dans les bobines

Lundi 20 septembre 2010 à 17:55

 
[ Avant toute chose, je voudrais préciser que les critiques que je publie ne sont en rien de grandes critiques professionnelles. Et je ne compte pas publier les critiques de tout les films à l'affiche. Ce sont juste des avis, des réactions que je souhaite vous faire partager, au fur et à mesure des films que je découvre, ou de courts ou longs métrages que j'apprécie et que j'ai envie de vous faire partager, aussi anciens peuvent-il être. Mes textes, critiques de film ou autres, sont bien entendu tout droits réservés! Merci :D ]



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Dans une petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija vit avec son petit-fils, qui est collégien. C’est une femme excentrique, pleine de curiosité, qui aime soigner son apparence, arborant des chapeaux à motifs floraux et des tenues aux couleurs vives. Le hasard l’amène à suivre des cours de poésie à la maison de la culture de son quartier et, pour la première fois dans sa vie, à écrire un poème.
Elle cherche la beauté dans son environnement habituel auquel elle n’a pas prêté une attention particulière jusque-là. Elle a l’impression de découvrir pour la première fois les choses qu’elle a toujours vues, et cela la stimule. Cependant, survient un événement inattendu qui lui fait réaliser que la vie n’est pas aussi belle qu’elle le pensait.




Quand je me suis installée dans le doux fauteuil rouge, face à l'écran, je m'attendais à une explosion de poésie, comme le préfigure le titre, une beauté qui me laisse sans voix. Il est dangereux d'attendre quelque chose d'un film, tout comme d'une personne, car il est si simple d'être déçu...Ainsi, alors que les 2h19 défilaient devant mes yeux, je restais réservée. Il y a deux histoires, deux trames narratives qui ne vont pas ensemble, qui se dissocient trop, comme si on avait voulu forcer la rencontre de deux films pour n'en faire qu'un.
Certes l'image est belle, l'héroïne, Mija, attachante. la technique est maitrisé avec brio, on se délecte de magnifiques travellings sur des paysages inspirant me titre même. Tout comme cette image (ci-dessous), très symbolique de la vieille femme tenant au bout de sa main une pomme.

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Les yeux bridés qui cherchent à voir au delà de cette simple pomme, comme une pierre, un talisman au couleur de l'amour et de la passion. Car, ne retrouve-t-on pas la sexualité de cette dame, de plus de soixante ans, qui renait au cours du film? Dans une scène à la fois belle et dure de réalité, on voit avec justesse ce qui fait défaut à cet âge là, et le besoin qui en résulte alors. Ainsi la pomme d'Eve, tenue entre la main d'une femme qui incarne la sagesse poète au milieu d'un monde fait de cruauté, a son entière place dans cette image. Et l'homme reste homme, pêcheur, car même Mija se surprend à dire: "une pomme on ne la regarde pas, il faut la manger" , donc la croquer.


Alors, plutôt que de me précipiter sur mon ordinateur et de vous écrire le trop plein de plans esthétiques au service d'une lacune quant au scénario, j'ai opté pour un recul, une nuit de sommeil à mieux réfléchir ce long-métrage.
Je me suis alors rendue compte qu'il me restait en tête, qu'il me poussait à penser vraiment, à regarder plus loin, bien plus loin que ses belles images.
Quand un film vous reste en tête de cette façon, il est réussi!
De cette façon j'ai pu revoir mon jugement, peut-être un peu trop critique au premier abord. Les deux trames narratives donnent vraiment l'impression de se dissocier, mais en même temps, comme réunir la poésie et la monstruosité, le viol? C'est pourtant ce que fait ici le réalisateur: Lee Chang-Dong! C'est montrer comment on peur encore trouver un monde beau, malgré les actes inhumains qui nous entachent. Il mêle la recherche de cette femme à mettre des mots adéquats sur ses émotions, cherchant "le secret" pour écrire un poème, à l'horreur d'un gamin pervers, qui par son impassibilité nous fait réagir. Particulièrement dans une scène, faisant écho à M le Maudit de Fritz Lang, lorsqu'un jeu d'enfant comme le hula hoop devient une démonstration des pulsions malsaines d'un garçon commençant tout juste à avoir de la moustache! Ainsi plusieurs passages révoltent, quelques unes émeuvent, et restent en perpétuelle opposition.
Je reste toutefois sur mon avis de scénario légèrement défaillant. Pourquoi mettre en scène l'Alzheimer de Mija, avec une place si minime dans l'histoire? A nouveau cela mériterait une autre histoire, même si le film traite très bien de la vieillesse, ce n'est pas le thème abordé!



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En somme, Poetry fait mouche par son alliance déconcertante de beauté et d'horreur. Une audace de mettre le mot "Poésie" sur un viol, tout en gardant une fraicheur, un dénouement fluide, qui ne heurte pas, et coule comme l'eau du fleuve meurtrier qui revient dans un montage en boucle.


Cyrielle.

Samedi 18 septembre 2010 à 22:26








Il n'est pas indispensable d'être fou pour faire du cinéma. Mais ça aide beaucoup.
[Samuel Goldwyn]







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